L’impasse de l’urbanisation dans un pays sans eau
La croissance urbaine se concentre dans quelques villes situées dans des environnements dont la fragilité déjà très grande les rend particulièrement vulnérables au changement climatique : alors que des milliers de familles dépendent d’une canalisation d’amenée d’eau de 250 km de long non sécurisée et alimentée par une ressource sur laquelle pèse un risque élevé de pollution, elles occupent souvent de surcroît des zones inondables et un littoral soumis aux effets destructeurs de l’élévation du niveau de la mer. La désalinisation de l’eau de mer, proposée comme alternative pour leur approvisionnement en eau potable, accroitrait et déséquilibrerait la demande en énergie alors que le pays n’en produit pas et que son approvisionnement va devenir, inéluctablement, de plus en plus difficile.
La seule issue durable à une situation de plus en plus difficile à maîtriser, se trouve dans une répartition plus équilibrée de la population par une décentralisation effective des dynamiques de développement. Le développement rural, notamment, devrait être considéré non plus dans une perspective de « lutte contre la pauvreté » mais dans celle d’une démarche positive, génératrice de nouvelles dynamiques : c’est en investissant dans la valorisation des richesses humaines et naturelles qu’il recèle, en adaptant son mode de développement aux réalités sociales, culturelles et environnementales qui sont les siennes, et non en pleurant sur les contraintes auxquelles il est confronté, que le Sénégal peut relever de tels défis.
Développer un nouveau modèle
Alors que la démocratie y triomphe dans un monde où domine l’appropriation du pouvoir par la violence, alors que son économie maintient sa croissance dans un monde où les plus grandes puissances frôlent en permanence la faillite, alors que nombre de ses ressortissants participent aux plus hauts niveaux de responsabilité à l’administration de notre planète, le Sénégal à toutes les capacités, s’il ose porter un regard neuf sur lui-même, pour offrir à un monde dont l’avenir se heure à des contraintes environnementales et énergétiques sans précédent, un nouveau modèle de développement durable.
Un tel modèle repose sur une réappropriation des principes d’équité et de solidarité sous-jacents aux stratégies de lutte contre la pauvreté, de commerce équitable ou d’atténuation du changement climatique et de ses effets. L’équité doit être le principe directeur de la distribution de l’investissement public pour l’aménagement du territoire et le développement des capacités techniques, économiques et sociales. La solidarité nationale doit être comprise comme un partage des responsabilités et des risques, mais aussi des retombées que chacun est en droit d’attendre de la construction d’un avenir commun.
Les dynamiques en jeu sont celles de la décentralisation. Elles ne pourront s’imposer sans une volonté forte, aux plus hauts niveaux de l’Etat, de réorienter des stratégies sans avenir mais douées d’une inertie considérable qui s’oppose à tout transfert de pouvoirs.
Des défis qui nous concernent
Elles reposent sur notre capacité à mettre en cohérence un investissement massif dans l’électrification rurale et l’accès à l’eau potable, le développement d’une production de biocarburants à une échelle qui en fasse une alternative crédible au pétrole, la redynamisation de l’agriculture pour améliorer le niveau de sécurité alimentaire, l’émergence de nouvelles capacités techniques et économiques, et un processus de décentralisation capable de réorienter un modèle de développement urbain qui se trouve aujourd’hui dans une dangereuse impasse environnementale et sociale.
L’idée de développement durable interpelle chacun d’entre nous, quelle que soit la position qu’il occupe dans l’organisation sociale ou politique du pays, ou son statut économique. Elle le place face à une double responsabilité envers la société au sein de laquelle il évolue : alléger la charge qu’il représente lui-même pour son environnement naturel ou humain, et apporter sa contribution au développement et à la gouvernance de cet environnement.
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