Une aide alimentaire inappropriée déstabilise les marchés locaux

impact du conflit Sénégal-Mauritanie en 1989

L’eau, le soleil, la terre tout est là pour permettre une production agricole continue tout au long de l’année.

  • En saison des pluies les hautes terres sableuses du dieri donnent du petit mil et des pastèques (dont les graines sont utilisées comme condiment) ;
  • En période de décrue on cultive sur les berges du fleuve du maïs, de la patate douce, de la tomate cerise, du bissap et, dans les cuvettes alluviales du Waalo, du sorgho et du niebe ;
  • En contre saison les périmètres irrigués permettent de produire du riz, du maïs, de la tomate, de l’oignon et des légumes les plus divers (piment, salade, chou, aubergine, courgette, gombo...).

Orefonde est un gros village proche du Fleuve et de la route nationale. On y trouve un des plus anciens marchés permanents de cette région.

Riche, cette région l’est. Mais son économie est fragile.

Dans les années 80, les villages étaient très isolés les uns des autres : la route goudronnée était en très mauvais état, il n’y avait pas de téléphone fixe et encore moins mobile. L’information circulait très mal.
Les agriculteurs notamment n’avaient aucune idée de l’état des marchés de la région. Ils écoulaient l’essentiel de leur production sur place, si bien qu’un marché pouvait être saturé d’un produit à un moment donné parce qu’on venait de récolter dans ses environs, alors qu’à 20km de là ce même produit manquait.

Lorsqu’en 1989 un conflit violent a éclaté entre le Sénégal et la Mauritanie, des dizaines de milliers de personnes ont fui la Mauritanie et sont arrivées dans cette région.

Immédiatement l’assistance internationale s’est mobilisée. La région ayant durement souffert de la sécheresse qui a dévasté le Sahel en 1972 puis en 1982, et depuis étant classée comme une des plus déshéritées au monde, une importante aide alimentaire a été accordée aux nouveaux arrivants.

Mais en juillet-août, c’est l’hivernage.
Et puis ceux-là n’étaient pas des ’réfugiés’, au sens où on l’entend couramment, de personnes envahissant une contrée à la recherche d’un abri et d’une protection : c’est vers leurs villages d’origine qu’ils revenaient. Ils ont retrouvé leurs terres, de la famille.

Leur principal souci, ce n’était pas tellement de trouver à manger : ils étaient ici chez eux, accueillis. Par contre il leur fallait rapidement trouver où s’abriter des intempéries, et puis finalement s’installer, car pour beaucoup c’était bien d’un véritable retour dont il s’agissait. En quelques mois, d’ailleurs, on a vu réapparaître des villages qui avaient complètement disparu, des quartiers construits ’en dur’ se développer...
Alors, cette ’aide’ qui ne répondait à aucun de leurs besoins, ils l’ont distribuée autour d’eux, revendue aux commerçants. Et l’argent ils l’ont utilisé pour s’équiper.

Pour l’économie locale, ce fut une véritable catastrophe.

Impossible d’écouler la production locale. Les prix sur le marché d’Orefonde, et partout dans la région, ont chuté et il a fallu près de 6 mois pour qu’ils retrouvent leurs niveaux saisonniers normaux.


publié par   Bruno Legendre
le samedi 19 juin 2010
 
 

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Prix du sorgho sur le marché d'Orefonde Ventes de sorgho sur le marché d'Orefonde

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