Une sécheresse comme on n’en avait pas vu depuis longtemps

Il est urgent d’investir dans l’amélioration de la résilience de agriculture pluviale

En 2014, le Sénégal connait un épisode de sécheresse sans précédent. On évaluait en début septembre à 600.000 le nombre de personnes en milieu rural qui ne pourront pas satisfaire leurs besoins alimentaires au cours de l’année à venir : l’élevage au nord du pays est menacé, ainsi que l’agriculture pluviale dans tout le centre du pays.

Lors de la dernière grande sécheresse tous les efforts ont convergé pour investir dans l’hydraulique rurale afin de sécuriser l’approvisionnement en eau potable de la population rurale et la maintenir en place.

Aujourd’hui, le défi est de préserver une agriculture pluviale qui fait encore vivre plus de la moitié de la population sénégalaise, d’en renforcer la résilience aux à-coups du changement climatique.

Sécheresse

L’année 1972 présente de nombreux records absolus de sécheresse et en 1986 on relevait que les pluies n’avaient jamais été aussi faibles depuis le commencement des mesures au début du siècle que dans les années 1983/1984.

En 1913 la pluviométrie totale s’éleva à Banjul à 601mm, la plus faible jusqu’en 1972, et à Dakar 309mm. En 1972 et 1983, l’isohyète 500mm descendit jusqu’en Gambie, et le module du fleuve Sénégal à Bakel tomba à 263 m3/s en 1972 et 219 m3/s en 1984, le plus bas jamais mesuré à cette date.

Les tableaux ci-après donnent les cumuls des pluies dans le bassin arachidier, pour les années les plus déficitaires au cours des années 1961-1985, sur les trois premiers mois de l’hivernage, période particulièrement critique pour la réussite des cultures.

Bambey Juin Juin-juillet Juin-août
1961-1985 25.4 127.1 321.4
1973 0 76.9 239.2
1980 0 8.3 183.4
1983 75 82.5 198.6
2014 0.3 40.6 259.1
Diourbel Juin Juin-juillet Juin-août
1961-1985 30.7 145.7 326.2
1973 4.2 115.6 273.9
1980 0 28.5 211.8
1982 0.3 91.2 218.4
1983 48.7 52.0 190.0
2014 0 35.9 182.5
Fatick Juin Juin-juillet Juin-août
1961-1985 37.1 154.5 382.6
1972 67.3 100.1 219.8
1973 32.0 122.8 344.2
1977 15.1 60.7 182.8
1980 0 44.5 171.6
1983 58.6 80.0 205.2
2014 0 12.6 177

Sécurité alimentaire

L’alimentation hydrique des cultures dépend de plusieurs facteurs : la pluviométrie, les besoins en eau spécifiques à chaque culture et les caractéristiques du réservoir du sol.

La capacité de rétention en eau d’un sol dans la tranche utilisée par les cultures (soit une profondeur de 180 à 200 cm pour le mil, 120 cm pour l’arachide) dépend de ses caractéristiques pédologiques et de sa teneur en matière organique.

Il a été montré que l’apport de fumier (donc l’enrichissement en matière organique du sol) a un impact plus important sur les rendements que le labour, un apport de chaux ou d’engrais minéral.

Si la pluviosité excède brutalement les capacités d’infiltration, l’eau ruisselle ou percole, et se trouve perdue pour les cultures, à moins qu’on en ralentisse le ruissellement par la réalisation de dispositifs antiérosifs en travers des pentes.

La demande évaporative dans le bassin d’arachidier a été évaluée en 1972-1976 (épisode de forte sécheresse) à environ 7 mm par jour à Diourbel et Fatick (6 mm/j à Nioro) au cours de l’hivernage. Soit, sur la période juin-août (90 jours), environ 690 mm. Compte-tenu d’un coefficient cultural (rapport entre les mesures du besoin en eau relevé au champ et de l’évaporation en bac normalisé) moyen de 0.78, le besoin en eau moyen sur cette période critique de culture est de 491 mm.

Culture Durée Besoin en eau
Mil 120 j 562 à 600 mm
90 j 417 à 420 mm
75 j 320 à 345 mm
Sorgho 90 j 390 mm
Maïs 110 j 624 mm
Niebe 75 j 335 mm
Arachide 90 j 548 mm

Plus précisément, les besoins en eau spécifiques à chaque culture sur toute la période du cycle de production, dans l’environnement du Sine-Saloum, sont données dans le tableau ci-contre.

La « zone à risque climatique » des cultures de mil et de sorgho se situe entre la limite nord de réussite des cultures hâtives et celle des cultures tardives. Dans cette zone, les variétés à 100 j et plus souffrent d’un arrêt des pluies en octobre (inférieures à 40 mm) lorsqu’elles ont été semées après le 20 juin, à moins qu’elles ne soient semées sur sols profonds à forte capacité de rétention.

Conclusion

Au-delà des indispensables actions d’urgence que le gouvernement est en train de mettre en place, il est nécessaire d’identifier une stratégie d’adaptation à une telle situation dans la perspective qu’elle se renouvelle, voire qu’elle perdure.

La maîtrise des conditions d’approvisionnement en eau des cultures, premier facteur de production agricole, constitue à cet égard une priorité absolue.

Cela fait partie du Droit à l’eau des populations. [1]


[1] Le Droit à l’Eau potable a été reconnu par l’Assemblée Générale des Nations Unies, en 2010, comme essentiel à la réalisation des droits de l’homme.

La FAO précise par ailleurs dans un document intitulé « Le droit à une alimentation suffisante et le droit à l’eau » (2004) que le droit à l’alimentation exige qu’un accès durable aux ressources en eau soit garanti à l’agriculture, et qu’il faudrait veiller à ce que les agriculteurs défavorisés et marginalisés bénéficient d’un accès équitable à l’eau et aux systèmes de gestion de l’eau, y compris la récupération durable des eaux de pluie et l’irrigation.


publié par   Bruno Legendre
le jeudi 2 octobre 2014
 
 

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